Le long retour vers Donwell (The long ride back to Donwell)
1re partie
Cet épisode prend place après la soirée chez Mr. et Mrs Cole, telle qu'elle est représentée dans Emma2. Je pars de l'hypothèse que la voiture de Mr Knightley est rentrée directement à demeure, après avoir déposé Miss Bates et Miss Fairfax, laissant le Maître de l'Abbey à la solitude d'un long retour vers Donwell... (Merci à Cassandra pour son aide.)
Mr. Knightley avançait dans la nuit. Le son mécanique des sabots de son cheval rythmait ses pensées et lui procurait une sensation apaisante des plus bienvenues. Les moments marquants de la soirée lui revenaient constamment en mémoire... un moment surtout...
La réception avait été très réussie... Mr. et Mrs Cole étaient des hôtes attentifs, veillant à la variété des mets comme à celle des sujets de conversation. Mr. Knightley se plaisait en leur société : il se réjouissait de la présente prospérité de leurs affaires, qui leur permettait de mener un train de maison supérieur à celui qui avait été le leur, par le passé. Il était évident que les Cole prenaient grand plaisir à être en bonne compagnie; ils avaient su communiquer leur enthousiasme aux personnes présentes, tout au long de la soirée. Les conversations étaient animées, et la courtoisie et la bonne humeur étaient au rendez-vous. Chacun avait enfin pris congé, tard, avec le sentiment gratifiant d'avoir assisté à l'une des plus agréables réunions de ces derniers mois.
Bien agréable, aussi, fut la nouvelle que Jane Fairfax pourrait enfin exercer ses talents musicaux sans restriction. Mr. Knightley s'étonnait pourtant du mystère qui entourait la venue du pianoforte : les Campbell n'avaient pas pour coutume de cacher leur attachement pour Jane. Ce soudain changement dans leurs habitudes n'augurait rien de bon, et Mr. Knightley craignait que le don du piano ne soit aussi une manière de désengagement, un signe de la nouvelle distance qui devrait maintenant s'établir entre Mrs Dixon, ses parents et leur protégée.
Cette pensée lui était pénible : son admiration et son amitié pour Jane Fairfax s'accommodaient mal de l'avenir sombre qui se présentait à elle. S'il avait été en son pouvoir de changer le statut de la jeune femme dans la société, il n'aurait pas hésité à user de son influence pour la voir bien établie, loin des désagréments qui la menaçaient. Instinctivement, Mr. Knightley avait toujours ressenti un devoir de protection vis-à-vis de la nièce de Miss Bates... Il espérait qu'elle n'avait pas pris mal, en rentrant, ce soir. L'air était doux pour la saison, et la voiture ne laissait pas entrer les courants d'air... Mais Jane était fragile... Il décida de passer chez les Bates, le lendemain, avant de se mettre en route pour Kingston, où ses affaires l'appelaient. Il pourrait s'assurer que son retour à la maison s'était bien passé et voir si Miss Bates n'avait besoin de rien, puisqu'il se rendait à la ville...
Cependant, ni le souci de l'avenir de Jane Fairfax, ni les attentions renouvelées de ses hôtes n'avaient réussi à effacer de la mémoire de Mr. Knightley l'image provocante qu'un autre pianoforte, celui des Cole, avait permis d'y graver. Le choc était venu sans préambule. Mr. Cole avait persuadé Emma d'essayer l'instrument dont il venait de faire l'acquisition, en l'honneur des invités de la soirée. Dans l'assistance séduite par l'élégance de l'interprétation, Mr. Knightley était particulièrement attentif. Son visage s'illuminait à mesure qu'il goûtait aux inflexions de la douce voix, un peu haut-perchée, mais si délicieuse...
C'est alors que Frank Churchill s'était levé pour chanter, surprenant Emma au début du deuxième couplet. Dès ce moment-là, une incompréhensible succession de sentiments aigus s'empara du maître de Donwell. D'un coup, son visage se ferma; toute sensation disparut dans son corps. Il contempla la scène d'un regard dense, soudain mal à l'aise... Quelques notes plus loin, avec plus de familiarité qu'il n'était d'usage, Frank posa sa main quelques instants sur l'épaule d'Emma. Face à cette ébauche de couple, Mr. Knightley dut faire appel à toute la maîtrise dont il était capable; Ses traits tendus cachaient mal la lutte qui le tourmentait. Sa pâleur s'accentua encore lorsque, à sa plus grande mortification, Emma répondit par un sourire calme à la pression des doigts contre le tissu de sa robe. Etait-il possible qu'Emma... et Frank Churchill?
Non, son bon sens se révoltait à cette pensée. Emma, si fraîche, si brillante malgré ses mille petits travers... Comment pourrait-elle un jour trouver le bonheur qui lui était dû, en s'alliant avec un personnage tel que Frank Churchill? La réponse ne souffrait pas d'hésitation. Au fil des jours écoulés depuis l'arrivée du fils de Mr. Weston, Mr. Knightley avait vu sa première impression se confirmer : le jeune homme était d'une disposition plaisante, sociable avec tous et bien informé; mais il était aussi impétueux, il manquait d'égards pour d'autres que lui- même, et évitait avec soin toute situation qui eut pu lui causer de l'ennui ou du tracas. L'opinion de Mr. Knightley était bien établie, à présent, et il ne pouvait s'empêcher de voir, dans la subite venue de Frank Churchill, plus qu'une envie irrépressible de faire connaissance avec la nouvelle Mrs Weston.
Maintes fois déjà, le jeune homme avait annoncé sa visite, pour la remettre par le courrier suivant, avec force bonnes raisons et excuses pour ne pouvoir se rendre à Highbury. Même le récent mariage de son père n'avait pu le départir de cette habitude... Non, de toute évidence, Frank Churchill avait trouvé d'autres raisons pour accepter enfin de s'exiler à Randalls. Mr. Knightley se promit d'y regarder de plus près, autant que les impératifs de discrétion et de tact, et son affection pour Mr. et Mrs Weston le lui permettraient. Il était peiné pour eux de deviner des motifs ultérieurs dans la récente visite de leur fils. Mr. Weston était un homme bon, toujours aimable et prompt à aider son plus humble serviteur comme son plus illustre voisin. Son unique défaut était précisément sa trop grande bonté, qui lui valait parfois un manque de considération de la part de certains. Mais Mr. Knightley n'était pas de ceux-là. "Il faudra aller au fond de cette affaire", murmura celui-ci, soulagé d'avoir enfin trouvé la ligne de conduite à suivre.
Il venait à peine de passer la rivière. Son cheval avait ralenti si bien qu'il était au pas, semblant mettre Donwell à une distance plus longue qu'il n'était habituel. Au claquement de la bride, Mr. Knightley repartit au galop vers sa demeure. La brise fraîche de la nuit lui procurait une sensation de pureté, et lavait toutes les pensées déplaisantes qui avaient envahi son esprit, pendant la soirée, lorsqu'Emma... Les lèvres souriantes lui revinrent brusquement en mémoire, dans un éclair cruel; une étrange sensation le saisit, qui l'obligea bientôt à ralentir le pas de son cheval. Il s'arrêta enfin en bordure d'un champ qui jouxtait le parc de Donwell. Son malaise ne semblait pas vouloir disparaître. Il décida de marcher pour le restant du chemin, confiant que ces quelques pas de promenade l'aideraient à dissiper la sensation qui l'oppressait. Il respirait à larges goulées l'air clair de la nuit, goûtant avec avidité toutes les petites notes de parfum mêlées à la brise presque printanière de cette nuit de fin d'hiver. Tout autour de lui, la campagne étendait son drap d'immensité sombre. Les bruits nocturnes ne semblaient l'atteindre que dans ce qu'ils avaient de plaintif...
2e partie
Plus loin, une odeur de bois brûlé accapara ses sens... Il repensa soudain à une certaine visite qu'il avait rendu à Mr. Woodhouse, quelques mois auparavant, à la fin de l'été. La journée avait été particulièrement clémente, mais, comme à l'accoutumé, le feu brûlait dans l'âtre, pour le plus grand confort du vieil homme. Le soir se couchait en nuées orangées, jaunes d'or et roses. En s'approchant du salon, une senteur âcre de bois mouillé et consumé l'avait saisi. Et il avait entendu le rire clair d'Emma, petite musique dans la rumeur et les bruissements du soir.
Cependant, lorsqu'il était entré dans le salon, Emma n'y était pas. Un serviteur était en train de retirer les bûches humides du foyer. Mr. Woodhouse l'avait reçu avec son amabilité habituelle, et s'était enquis de sa santé et de celle de toutes leurs connaissances communes à Donwell. Mr. Knightley avait été surpris du peu d'importance que son voisin, d'habitude si soucieux, accordait aux défaillances du feu. L'explication ne tarda pas. Plus succinct qu'à son habitude pour ce qui était des civilités, Mr. Woodhouse passa rapidement à l'événement qui occupait ses pensées : une lettre d'Isabella, reçue le jour-même. Tous deux devisaient déjà sur les mérites de la vie à Highbury, par rapport à celle de Brunswick Square, et à l'effet que cela pouvait avoir sur la santé des enfants, lorsque des pas légers se firent entendre sur le gravier.
Là, dans l'encadrement de la fenêtre ouverte, Emma s'était arrêtée, ravie à la vue du nouvel arrivant. Ses bras étaient chargés d'un gros bouquet de hyacinthes lavande et grèges; la lumière oblique du couchant nimbait sa robe de satin pâle et jouait à dorer ses boucles de cheveux... Les doux reliefs de son visage accrochaient par endroit un reflet velouté; Ses cils semblaient étoiler le contour de ses beaux yeux noisette, qui lui souriaient... "Mr. Knightley, quel plaisir! Je ne vous ai pas entendu venir... Comment allez-vous? Quelles sont les nouvelles de Donwell? Sont-elles aussi plaisantes que celles que nous venons de recevoir de Brunswick Square?"...
... Mr. Knightley revoyait cet instant avec la précision dont la mémoire est capable, aux moments marquants d'une existence. Il avait toujours admiré la beauté gracieuse d'Emma. Malgré tout, l'apparition de celle-ci dans la lumière du soir le prit au dépourvu; il réalisa alors combien elle avait grandi, et mûri. Il mit quelques secondes de plus qu'il n'était convenable pour répondre aux questions pressantes de celle-ci. Le reste de sa visite avait été aussi agréable qu'à l'habitude. Mais, de retour à Donwell, quelques heures plus tard, plus rien n'en avait subsisté, que cette vision dorée d'une Emma déjà femme. "Elle a beau dire qu'elle ne souhaite pas se marier, tant de beauté et d'esprit ne resteront pas longtemps sans admirateur", avait-il pensé alors. Et l'endroit où il gardait toute son affection pour sa belle-soeur s'en trouva meurtri, comme par un regret inavoué du temps écoulé. Là, imperceptiblement, silencieusement et sans espoir de retour, l'image de la petite Emma, longtemps source de joies, et parfois de peines, laissa la place à Emma, jeune fille accomplie et resplendissante dans le soleil évanescent.
Toutes ces images défilaient devant ses yeux, saisissantes contre le tableau de la nuit... Et voilà que maintenant, il était là, cet homme qui allait enlever Emma. Contrairement à ce que Mr. Knightley avait toujours cru, il n'approuvait pas cet attachement. Il savait depuis longtemps que Mr. et Mrs Weston souhaitaient qu'une union puisse se former entre les deux jeunes personnes; il n'y avait, jusque là, attaché que peu d'importance : Mr. Churchill était si peu enclin à se rendre à Highbury... Mais à présent, Frank était là, et Emma lui avait souri... de ce sourire qu'il connaissait bien, et qui lui laissait deviner qu'elle n'était pas insensible aux attentions qu'on lui prodiguait.
"Des attentions marquées, certes, mais moins sincères qu'on ne pourrait le croire... L'abandonner ainsi, pour satisfaire sa vanité de chanteur en compagnie d'une autre, aussi talentueuse soit-elle... Un tel manque de respect..." C'était ce peu de considération pour Emma qui perturbait profondément Mr. Knightley. Il pressentait des douleurs et des désenchantements profonds; et il ne pouvait supporter de voir la droiture et l'intelligence d'Emma marquées à jamais par l'indélicatesse et la duplicité d'un tel prétendant. "Intolérable", lâcha-t-il avec tant de brusquerie que son cheval s'agita. Mais que faire? Lui- même n'avait que des suppositions à avancer, de minces indices, aucune certitude ou preuve de l'attitude équivoque du jeune homme...
Il arrivait à Donwell. Il poussa un soupir de soulagement à la vue de la façade de pierres, qui se détachait de l'obscurité sous la clarté de la lune. Pendant un moment, il lui avait semblé que cette nuit et cette marche ne finiraient pas. Il amena son cheval à l'écurie, s'assurant que l'avoine et le foin ne manquaient pas. Puis il se dirigea vers la porte d'entrée, avec précaution, dans l'espoir de ne pas alerter le personnel, à cette heure tardive de la nuit. Malgré ses efforts, son valet, qui veillait sans doute dans l'anti-chambre en attendant de son maître, ne tarda pas à le rejoindre dans le hall.
- "Bonsoir, Monsieur. La soirée de Monsieur a-t-elle été plaisante?".
- "Oui, Edward, merci", répondit-il distraitement, tout en se dirigeant vers l'escalier menant à l'étage et à ses appartements.
Observant l'air préoccupé de son maître, le valet se hasarda à ajouter :
- "Une soirée plus longue qu'à l'habitude, Monsieur. Le cheval de Monsieur aurait-il eu un problème?"
- "Non, Edward, le cheval est en parfaite santé. J'ai simplement pris un chemin plus long, pour profiter du bon air de la soirée", répondit-il tout en entrant dans sa chambre. Le valet aida Mr. Knightley à se débarrasser de sa veste et de ses bottes. "Il est tard, Edward. Allez vous reposer. Voulez-vous dire à Mrs Hodges de ne préparer qu'une collation pour 10 heures. Je ne pense pas que je me réveillerai à temps pour le petit déjeuner".
- "Bien, Monsieur. Bonne nuit, Monsieur".
- "Bonne nuit, Edward".
Mr. Knightley entreprit de déboutonner sa chemise, lorsqu'il sembla se raviser et, se retournant à demi vers son valet, il demanda :
- "Edward, votre jeune soeur travaille à Hartfield depuis de quelques temps déjà, n'est-ce pas?"
- "Depuis 8 mois exactement, Monsieur."
- "S'est-elle bien accommodée à son nouvel environnement et à sa nouvelle maîtresse?"
- "Oh, Monsieur, je ne crois qu'il y ait de personne plus contente de sa situation. Julie me dit toujours combien elle est heureuse de pouvoir servir des maîtres aussi bons que Mr. Woodhouse et Miss Emma. Pas plus tard qu'avant-hier, elle me racontait que Miss Woodhouse lui avait confié un lourd colis à remettre toute affaire cessante à Miss Bates. Pour sa peine, Miss Emma lui a donné licence de choisir une aune de dentelle dans la réserve de sa boîte à coudre. Miss Emma est la générosité-même"...
Puis, voyant que son maître ne disait rien, Edward s'aventura à ajouter :
... "Si je puis me permettre... Monsieur ne peut que se féliciter d'être lié, par le mariage de Monsieur votre frère, à deux soeurs aussi gracieuses et attentives que Mrs Knightley et Miss Woodhouse."
- "Merci, Edward", dit-il en souriant lentement. "Oui, le mariage de Mr. John ne pouvait pas apporter meilleure femme et meilleure soeur, c'est certain. Bonsoir, Edward".
- "Bonsoir, Monsieur".
Mr. Knightley retira le reste de ses vêtements, l'esprit ailleurs; puis il se dirigea vers la salle d'eau adjacente. Un bain encore chaud l'y attendait, grâce à la diligence d'Edward, qui connaissait bien les habitudes de son maître. Le contact de l'eau avec son visage et sa peau le ramena à la réalité. Il passa plusieurs minutes à baigner son corps, puis à s'essuyer lentement, en savourant le calme de l'heure et l'apaisement de ses pensées, maintenant qu'il était rentré dans l'univers coutumier de Donwell.
Il finit par s'allonger dans son lit, les draps doux caressant son corps dans un embrassement familier... Il s'endormit aussitôt, glissant dans une torpeur lourde, orageuse, où la lumière d'un soleil doré de fin d'après-midi le disputait à la noirceur de la nuit précédente...
The Long Ride Back to Donwell
Part I
(Translated from French by Barbara: thank you for the beautiful work you did. More thanks to Cassandra for her welcome input.)
This episode takes place after the Coles' party as presented in Emma2. I assume that Mr. Knightley's carriage returned home after bringing Miss Bates and Miss Fairfax to their house, leaving the Master of the Abbey to a long, solitary ride back to Donwell...
Mr. Knightley rode along in the darkness. The mechanical sound of his horse's hooves beat out a rhythm that ordered his thoughts, bringing him a most welcome sensation of peacefulness. Significant moments of the evening sprang constantly to his memory... Especially one moment...
The reception had been a great success. Mr. and Mrs. Cole were attentive hosts, paying as much attention to the variety of dishes served as to the variety of subjects of conversation. Mr. Knightley enjoyed their society: he rejoiced in the current prosperity of their business, which allowed them to live in a superior lifestyle than they had in the past. It was obvious that the Coles took great pleasure in being in good company; and they were able to communicate their enthusiasm to those present at the party all evening. Conversations had been animated, and met with courtesy and good humor. Each guest had finally taken a late leave, with the gratifying feeling of having attended one of the most pleasant gatherings in recent months.
Most agreeable, also, was the news that Jane Fairfax would now be able to exert her musical abilities without restriction. Mr. Knightley was surprised, however, at the mystery surrounding the arrival of the pianoforte: the Campbells did not customarily conceal their affection for Jane. This sudden change in habit foretold nothing good, and Mr. Knightley feared that the gift of the piano was a way of disengaging themselves from her, a sign of the new distance that must now be among Mrs. Dixon, her parents, and their ward.
This thought caused him pain: given his admiration and regard for Jane Fairfax, he could not easily reconcile in his mind the dismal future which awaited her... If it had been in his power to change the young woman's status in society, he would not have hesitated to use his influence to see her well established, far from the unpleasantness which threatened her. Instinctively, Mr. Knightley had always felt protective towards Miss Bates' niece... He hoped that Jane's health had not been endangered by the ride home this evening. The air was mild for the season, and the carriage did not let drafts of air enter... But Jane was fragile... He decided to stop by the Bates the next day before leaving for Kingston, where his affairs called him. He would reassure himself that the carriage-ride had been pleasant and see if Miss Bates needed anything while he was in town.
However, neither concern for the future of Jane Fairfax, nor the renewed attention of his hosts succeeded in erasing from Mr. Knightley's mind the troubling image etched there by the Coles' pianoforte. The shock had come upon him without warning. Mr. Cole had persuaded Emma to try the instrument, newly acquired in honor of the evening's guests. Seduced like the rest of the assembly by the elegance of her interpretation, Mr. Knightley had been particularly attentive. His face lit up as he drank in the many inflections of the sweet voice, a bit high-pitched, but so delicious...
It was then that Frank Churchill rose to sing, surprising Emma at the beginning of her second verse. From that instant, an incomprehensible succession of sentiments assailed the master of Donwell Abbey. In a moment, his face tightened and all feeling vanished from his body. He contemplated the scene before him with an intense stare, suddenly ill at ease. A few notes farther along, with more familiarity than was commonly accepted, Frank placed his hand on Emma's shoulder for a few moments. Faced with this apparent evidence of the two being a couple, Mr. Knightley had to call up every ounce of self-control he possessed. His rigid features poorly concealed the struggle tormenting him. His pallor increased when, to his great mortification, Emma responded to the pressure of fingers on the fabric of her dress with a calm smile. Was it possible that Emma... and Frank Churchill?
No, his common sense revolted at the thought. Emma, so fresh, so faultless despite her many little faults... How could she ever find the happiness she deserved by uniting herself to a person like Frank Churchill? There was no possible hesitation in finding an answer to this question. In the time that had elapsed since the arrival of Mr. Weston's son, Mr. Knightley had seen his first impressions confirmed; the young man had a pleasant disposition, was sociable to everyone and well-informed; but he was also impetuous and selfish, and carefully avoided any situation that might cause him the least bother or worry. Mr. Knightley's opinion was by now well-established, and he could not help but see in the speedy arrival of Frank Churchill, more than an irrepressible urge to become acquainted with the new Mrs. Weston.
So many times already, the young man had announced his visit, only to put it off when the next mail arrived, with excellent reasons and excuses why he could not come to Highbury. Even the recent marriage of his father could not break him of this habit... No, by all accounts, Frank Churchill had found other reasons to finally remain in exile at Randalls. Mr. Knightley promised himself to examine the matter more closely, in as much as the imperatives of discretion, tact, and his affection for Mr. and Mrs. Weston would allow this. It pained him to think that they might realize ulterior motives in their son's recent visit. Mr. Weston was a good man, always amiable and as ready to help his most humble servant as his most illustrious neighbor. His only fault was precisely that he was too good and kind, which sometimes brought him a lack of consideration from certain parties. But Mr. Knightley was not one of those. "I must get to the bottom of this business," he murmured, relieved to have finally hit upon the line of conduct to follow.
Mr. Knightley had just passed the river. The horse had slowed its pace so much that Donwell was still at quite a distance, despite the late hour. Mr. Knightley set it out to gallop home. The cool evening breeze brought on a purifying feeling, washing from his mind all the unpleasant thoughts which had been invading it since Emma... The smiling lips returned abruptly to his memory with a cruel precision. A strange feeling suddenly gripped him, soon causing him to slow his horse to a halt in a field adjacent to Donwell Abbey. His uneasiness would not go away. He decided to walk home, hoping this would help relieve the oppression in his chest. He breathed in large gulps of the pure night air, drinking in all the small hints of spring which mingled with the breeze of this end-of-winter night. All around him, the countryside unfurled like an immense dark sheet. The nocturnal sounds seemed to call plaintively to him...
Part II
Farther along, the scent of burnt wood captured his senses... He was reminded suddenly of a certain visit he had paid Mr. Woodhouse several months before, at summer's end. The day had been particularly mild, but as usual, the fire burned in the hearth for the old man's comfort. The sun was setting with waves of orange, golden yellow and pink clouds. Entering the drawing room, the acrid scent of wet, burning wood had gripped him. He had heard the clear peals of Emma's laughter, ringing out like music over the evening's noises.
However, when he had entered the drawing room, Emma was nowhere to be seen. A servant was removing damp logs from the fireplace. Mr. Woodhouse had received him with his usual amiability and had inquired after his health and that of their common acquaintance at Donwell. Mr. Knightley had been surprised at the lack of concern his neighbor, usually so solicitous, had paid to the deficiencies of the fire. The explanation was not long in coming. Dispensing with the usual civilities more quickly than was his habit, Mr. Woodhouse moved rapidly to the news that occupied his thoughts: a letter from Isabella, received that very day. They were both in the midst of expounding on the merits of life at Highbury, in comparison with that at Brunswick Square, and the effect which this could have on the health of children, when light footsteps were heard on the gravel walk outside.
There, framed by the open window, Emma had paused, delighted at the sight of their visitor. Her arms were filled with a large bouquet in shades of lavender blue, cream and heathery-grey, the rays of the setting sun made a halo around her pale satin robe and touched her curls with gold... Velvet glints of light caressed the soft outlines of her face. Her eyelashes seemed to frame her lovely hazel eyes like stars as they smiled at him. "Mr. Knightley, what a pleasure! I did not hear you come in... How are you? What news of Donwell? Is it as pleasant as the news we have just received from Brunswick Square?"
Mr. Knightley relived this moment with all the clarity and nuance as if it had occurred yesterday. Such is the power of memory in preserving important moments in one's life. He had always admired Emma's gracious beauty, but despite this, her appearing that way in the evening light had caught him off guard. He realized how much she had grown and matured. It was several moments before he felt himself able to respond to her questions. The remainder of his visit had been as agreeable as usual. But, returning to Donwell several hours later, he could remember nothing but this golden vision of Emma, already a woman. "She might very well say that she never wishes to marry, but upon my word, such beauty and spirit will not long remain without admirers," he thought. And the place in which he kept all his affection for his sister-in-law was invaded by an unspeakable regret and awareness of the passage of time. There, imperceptibly, silently, and without a hope of return, the image of Emma the child, long a source of joy, and sometimes pain, to him, gave way to that of Emma already a young woman, radiant in the disappearing sunlight.
All these images played out before his eyes, startlingly lifelike against the dark canvas of the night. And now he was there, this man who was going to take Emma away. Contrary to how Mr. Knightley had always thought he would react, he did not approve of this match. He had known for a long time that Mr. and Mrs. Weston wished there could be a union between these two young people; yet up to this point he had attached little importance to the notion. Mr. Churchill was so little inclined to visit Highbury... But at present Frank was there and Emma had smiled at him... With a smile he knew so well, and which left him supposing that she was not as indifferent as she professed to be to the attentions lavished upon her.
Marked attentions, certainly, but less sincere than one ought to believe. To abandon her there after having satisfied his vanity as a singer accompanied by another, talented as that other might be... Such ungentleman-like behavior... It was the lack of consideration for Emma which deeply disturbed Mr. Knightley. He could foresee such deep disenchantment and pain coming to her; he could not bear to see the goodness and intelligence of Emma affected forever by the indelicate duplicity of such a creature. "Intolerable!" he lashed out so suddenly that he startled his horse. But what was to be done? He only had suspicions, small hints, no certainty or proof that the young man's behavior was equivocal...
Finally Donwell was in sight. He breathed with relief at the sight of the stone facade which emerged from the darkness by the light of the moon. For a moment it had seemed to him as if this night and this ride would never end. He brought his horse to the stable, making sure he had all the oats and hay he required. Then he turned toward the entrance hall, cautiously, in the hope of not awaking the servants at this late hour. But, despite his efforts his butler, who was no doubt awaiting his master's arrival, hurried to meet up with him in the hall.
"Good evening, sir. Did you enjoy Mr. Cole's party?"
"Yes, Edward, thank you," he replied distractedly, as he turned toward the staircase which led to the floor where his own chambers were situated.
Observing his master's preoccupied air, the butler chanced to add: "A longer evening than usual, sir. Did my master's horse have difficulty?"
"No, Edward, the horse is in perfect health. I simply took a longer route home, to take advantage of the pleasant evening air," he answered as he entered his bed chamber. The butler helped Mr. Knightley to remove his jacket and boots. "It is late, Edward. Go and rest. Would you please tell Mrs. Hodges to prepare a light meal for 10.00am? I do not think I shall awaken in time for breakfast."
"Very good, sir. Good night, sir."
"Good night, Edward."
Mr. Knightley began unbuttoning his shirt when a thought seemed to strike him and, turning back to his butler he enquired, "Edward, your younger sister has worked at Hartfield for some time now, has she not?"
"For exactly eight months, sir."
"How does she like her new situation and her new mistress?"
"Oh, sir, I do not believe there could be anyone more content with her situation. Julie always tells me how happy she is to be able to serve masters as good as Mr. Woodhouse and Miss Emma. Just the day before yesterday, she was telling me that Miss Woodhouse had trusted her with a large package to dispatch promptly to Miss Bates. For her trouble, Miss Emma allowed her to choose a yard of lace from her sewing box. Miss Emma is generosity itself..."
Then, seeing that his master said nothing, Edward ventured, "If I may permit myself, sir, you may certainly congratulate yourself in having made a connection through your brother's marriage with two such gracious and kind sisters as Mrs. Knightley and Miss Woodhouse."
"Thank you Edward," he said, smiling slowly. "Yes, John's marriage could not have brought him a better wife or a better sister. That much is certain. Goodnight, Edward."
"Goodnight, sir."
Mr. Knightley removed the rest of his clothing, lost in his thoughts; then he turned towards the adjoining water closet. A hot bath awaited him there, thanks to the diligence of his faithful Edward, who knew well his master's habits. The contact of the water against his face and his skin brought him back to reality. He bathed his body and dried himself slowly, savoring the calm of this late hour and the soothing effect it had on his agitated thoughts, now that he was back in the haven of Donwell.
Finally, he stretched out in his bed, the soft sheets caressing his body in a familiar way. Immediately, he fell into an uncertain, troubled sleep, where the glittering golden light of a summer sunset was battling with the darkness of the present night...
The End.
© 1997 Copyright held by the author.